#8 C'est, de nouveau, la rentrée scolaire !
Il y a presque un an je présentais les albums avec au moins un personnage d’enfant non blanc dans un cadre scolaire dans un article sur mon carnet. J’identifiais plusieurs types :
Des albums sans personnages principaux, avec un ensemble de personnages, dont au moins un personnage enfantin non blanc1.
Des albums avec un personnage principal enfantin non blanc sans qu'il soit culturellement marqué2.
Des albums avec un personnage principal enfantin blanc et un ensemble de personnages enfantins secondaires dont au moins un personnage enfantin non blanc3.
Des albums ayant pour personnage principal un enfant blanc devant accepter l'enfant différent non blanc4.
Le seul album ayant un personnage principal non blanc culturellement marqué dans un contexte scolaire était Comme un million de papillons noirs5. Il n’existait pas (encore) d’album avec un personnage principal non blanc culturellement marqué dans un contexte scolaire sans que le sujet principal soit lié à des questions raciales. Qu’en est-il de la fournée 2023 ?
En librairie
Stina Klintberg & David Henson, Mira à l’école des grands, Cambourakis.
C’est la rentrée de Mira à l’école des grands et elle est terrifiée. Mais heureusement, il y a Betty. Même si le récit se focalise sur la petite fille blanche (Mira), c’est elle qui est assimilée au groupe classe grâce à l’aide du personnage non blanc (Betty). A noter que Mira n’est pas, contrairement aux albums où le personnage enfantin non blanc est assimilé au groupe classe, considérée comme différentes par les autres enfants. C’est elle qui se sent invisible, insignifiante, au point d’avoir l’impression d’être minuscule par rapport à eux. C’est en jouant avec Betty puis en comparant sa taille à la sienne qu’elle se rend compte qu’elles sont aussi grande l’une que l’autre (ou aussi petite). Cette impression de différence n’est donc pas liée à son genre, son origine sociale, sa racisation, à un handicap ou une neuroatypie, il s’agit d’une “simple” peur face à un nouvel environnement social.
Emma Virke & Joanna Hellgren, La course des mamans, Cambourakis.
Dans cet album deux enfants attendent impatiemment leurs mamans à la fin de leur journée d’école. Chacun est persuadé que sa maman arrivera le plus vite et imagine les différents stratagèmes qu’elles pourraient utiliser pour arriver en première. A la fin, les enfants décident que les mamans peuvent arriver en même temps, ce qu’elles font.
Pour une fois la meilleure des mamans n’est pas la plus douce, la plus gentille ou la meilleure cuisinière, mais la plus rapide et intelligente. Que les qualités faisant d’elles les meilleures des mamans ne correspondent pas aux normes genrées n’est pas abordé, c’est complètement banalisé.
Nous avons donc bel et bien une nouveauté : l’enfant blanc accepté, encouragé par l’enfant non blanc. Mais toujours pas de personnages principaux d’enfants non blancs culturellement marqués sans que l’album ait pour thématique principale un sujet lié à sa racisation.
Il se passe quoi ?
C’est la rentrée, c’est la rentrée littéraire, c’est le festival de la littérature vivante à Pompidou. Au programme on retrouve plusieurs auteurices que j’affectionne : Miel Pagès, Marouane Bakthi ou bien Lisette Lombé. On dit à propos de Wittig qu’elle est “présente de façon multiple dans le programme”. J’ai l’impression que je vais effectivement être hantée : une exposition, une table ronde et une performance. Est-ce que c’est dans les murs amiantés du centre qu’on pourra traiter la question de la race chez les lesbiennes ? Nous seront peut-être très heureusement surprises…
Si vous ne savez pas à quoi je fais référence, je vous invite à lire les quelques articles6 que j’ai écris non pas sur Wittig directement, mais sur les recherches menées à son sujet, celles qui sont encensées et celles qui sont mises en difficultés, jamais citées7.
Isis Labeau-Caberia a une série de rencontres-dédicaces autour de La Prophétie des Soeurs Serpents : à Paris le 06/09, Lille le 08/09 et Roubaix le 09/09. Plus d’informations ici.
Côté journées d’étude, l’année universitaire commence fort, le même jour nous avons une journée dédiée à la réflexivité et ses implications en sciences sociales, et une autre dédiée aux bébés et à ce qu’ils nous apprennent sur la lecture et les albums.
Où m’écouter ?
Du 1er au 3 septembre je serai à Lisle-sur-Tarn avec la bibliothèque décololoniale bléd, nous tiendrons une bibliothèque jeunesse antiraciste pendant le marché de créateurices queers et/ou féministes Foiré.
Du 7 au 8 je serai à Rennes pour participer au colloque “transmissions brisées”. Ma communication a pour titre “du côté des petites filles oubliées”, je parlerai de l’effacement d’Adela Turin dans l’histoire de l’édition (jeunesse) engagée.
Du 28 au 29 je serai à Londres, pour parler encore d’Adela Turin pendant le colloque “Récupération des espaces : spatialité et (re)occupation d’espaces en France et dans le monde”. Je parlerai des hétérotopies féministes et lesbiennes dans les albums jeunesse d’Adela Turin.
A propos des événements scientifiques et de ce qu’ils demandent en termes de ressources je vous invite à lire le billet d’Emmanuelle Lescouët “Notes pour l’inclusion en colloques (numérique)”.
On lit quoi ?
Dernier bébé des éditions Shed publishing, Entrer en pédagogie antiraciste rassemble des textes issus des stages de formation syndicale organisés par la commission antiraciste de Sud Education 93. J’ai eu le plaisir de participer à l’édition 2022, un compte-rendu est disponible sur mon carnet et sur le site de Sud Education. Sortie le 22 septembre, mais les précommandes sont ouvertes !


Après Race, Universalisme et Décolonial (parmi d’autres), anamosa sort son mot est faible sur Classe ! Sortie le 31/08.
On écoute quoi ?
Cet épisode de Jins sur les « Afroféminismes & spiritualités » avec Fania Noël, Christelle Murhula, Mame-Fatou Niang et Mélissa Laveaux !
L’épisode de “Sans oser le demander” pour les 60 ans de Max et les Maximonstres.
Sur le carnet
Le jeudi 13 avril j’ai eu le plaisir de participer au Comité des Animateurs Lecture de la Ville de Paris ! Vous pouvez retrouver leur compte-rendu ici.
Sur l’internet
Pendant l’été beaucoup de choses ont été publiées !
Le dernier numéro de la revue Mémoires du livre/ Studies in Book Culture qui a pour thème : “Explorer les dimensions transnationales de l’activisme dans la culture contemporaine du livre”. On y retrouve du zine, du lesbianisme, de la relecture sensible, de l’édition engagée, de l’autoédition engagée et on parle du racisme de l’édition.
Le dernier numéro de Fantasy Art and Studies sur les “Identités en mouvement”, on y retrouve plusieurs articles sur les séries télévisées de fantasy jeunesse.
Genre Éducation Formation a publié un numéro « In Memoriam bell hooks (1952-2021) » sous la direction de Nassira Hedjerassi.
J’ai découvert le carnet de recherche La Cuisine d’une sorcière via son dernier billet “Comment rêver (encore) les musées ? La Science-fiction féministe à la rescousse du p·m·atrimoine”.
Anne-Fleur Multon a réagi à deux décisions de notre cher gouvernement dans sa newsletter : Pécresse qui veut remplacer le nom du lycée Angela Davis par celui de Rosa Parks et Darmanin qui a interdit à la vente au mineur un texte de littérature jeunesse érotique (Darmanin démission).
Laura Nsafou répond à la question qu’on ne cesse de lui poser : Tu n’as pas peur d’être cataloguée ? Elle nous parle aussi de l’expression Young, Gifted and Black.
Pas moins de 12 billets à rattraper envoyés par Isis Labeau-Caberia cet été : coulisses de son roman jeunesse, billets sur la Nature, les mythes occidentaux et les ancêtres mais aussi sur l’actualité !
Vous me l’avez demandé
On lit quoi pour avoir une idée des recherches en cours sur les représentations en littérature jeunesse ?
Plusieurs revues spécialisées ont publié des dossiers consacrés aux stéréotypes, aux fictions miroirs, au genre, à la race, aux inégalités sociales, aux homoparentalités, au sexisme, etc… Vous retrouverez d’ailleurs mon tout premier article dans le numéro sur les représentations raciales de la revue NVL. A destination des professionnel-les du livre et de l’enfance, ces revues permettent d’avoir un bon panorama des recherches existantes et en cours sur ces sujets !
NVL n°234 (handicap), 230 (genre), 229 (race), 206 (inégalités sociales), 202 (homoparentalités), 198 (sexisme).
Lecture Jeune n°178 (diversité raciale), 176 (genre), 173 (inégalités sociales), 186 (handicap).
La Revue des livres pour enfants n°310 (stéréotypes), 268 (fiction miroir ?).
Céline Person, Marion Piffaretti, Tu fais quoi après l’école ? Magnard jeunesse, 2022.
Derrick Barnes, Vanessa Brantley-Newton, Le Roi de la Maternelle, Anacaona, 2021. ; Isabelle Chavigny, Ivan Grinberg, Marie Caudry, La vie de Smisse - Jours d'école, Seuil, 2016. ; Michaël Escoffier, Laure Monloubou, L. Les gens normaux. Kaléidoscope, 2019. ; Caryl Hart, Rosalind Beardshaw, Les bonnes manières pour les petits dragons à l’école, Gallimard jeunesse, 2021. ; Simon Philip, Ged Adamson, C'est mon premier jour d'école, Circonflexe, 2021. ; Bianca Schulze, Samara Hardy, C’est la rentrée ! (n’aie pas peur, dragon), Gautier-Languereau, 2022.
Bea Birdsong, Lucy Fleming, Les meilleurs amis, Kimane, 2022. ; Emilie Chazerand, Suzon et la photo de classe, Gulf stream éditeur, 2021. ; Eric Veillé, Pauline Martin, Maman à l’école, Actes Sud jeunesse, 2015.
Astrid Desbordes, Mon ami, Albin Michel Jeunesse, 2018 ; Anne Isabelle Le Touzé, Bienvenue à l’école Aimé ! L’école des loisirs, 2020
Laura Nsafou, Barbara Brun, Comme un millions de papillons noirs, Cambourakis, 2018.
Sarah Ghelam, « Ecrire à l’encre blanche, l’intersectionnalité en question », 2022, Genre de l'édition, https://genreed.hypotheses.org/2793. ; Sarah Ghelam, « La politique de l’aller-retour », Genre de l'édition, 2022, https://genreed.hypotheses.org/2822. ; Sarah Ghelam, « Réponse : l’intersectionnalité n’est pas », Genre de l'édition, 2022, https://genreed.hypotheses.org/2945. ; Sarah Ghelam, « Rencontrer Emilie / Rencontrer Wittig », Genre de l'édition, 2022, https://genreed.hypotheses.org/3312.
Voir les quelques articles sur la race chez Wittig :
Stéphanie Kunert (Wendy Delorme), « L’analogie “sexisme/racisme” : une lecture de Wittig », Comment S’en Sortir ?, n° 4, printemps 2017, p. 80-99. ; Hourya Bentouhami, « Notes pour un féminisme marron. Du corps-doublure au corps propre », Comment S’en Sortir ?, n° 5, hiver 2017, p. 108-125. ; Hourya Bentouhami-Molino & Nacira Guénif-Souilamas, “Avec Colette Guillaumin : penser les rapports de sexe, race, classe. Les paradoxes de l’analogie”, Cahiers du Genre, vol. 63, 2017, pp. 205-219.
Je vous invite à lire l’excellente livre d’Hourya Bentouhami par ailleurs : Hourya Bentouhami-Molio, Race, cultures, identités. Une approche féministe et postcoloniale, Presses Universitaires de France, 2015.