#5 en mai, fais ce qu'il te plait
Il me semble que le festival SLAP c’était hier mais ça y est, nous sommes au mois de mai. Pendant ces quelques secondes du mois d’avril j’ai eu le plaisir d’être invitée à un des comités des animateurs et animatrices lecture de la ville de Paris (les monsieurs/madames CDI BCD). On a discuté des représentations disponibles dans la production d’albums jeunesse en se prêtant à l’exercice du “On garde, on jette” : sur une sélection de livres, quel livre choisiriez vous de garder, quel livre de jeter ? Un compte-rendu sera bientôt publié sur le carnet (qui existe toujours). En attendant, je vous souhaite un beau ménage de printemps et de belles lectures🌻
En librairie
Marika Kibadi, Chut Bébé dort, Talents Hauts.
Monsieur Dupont, Écrasouille, Talents Hauts.
Sessions rattrapages des Badaboum de Talents Hauts, leur collection de livres tout carton pour les tout-petits. Dans Chut Bébé dort les deux parents perdent des heures de sommeil pour s’occuper de bébé, sans que cela soit abordé ou montré comme quelque chose d’exceptionnel. On a juste droit, comme pour les dernier tout cartons de Cambourakis, à un papa qui s’occupe de son enfant.
Écrasouille c’est une toute petite fille qui aime tout écraser, c’est pour ça qu’on l’appelle comme ça. Sauf que détruire les construction des copains copines ça crée des embrouilles. Alors les enfants finissent par tout construire ensemble et tout détruire ensemble, bien plus drôle. Le fait que ça soit une fille qui soit brute n’est pas un sujet, c’est simplement représenté. Dans ses copains copines il y a deux personnages enfantins non blancs.
Astrid Desbordes & Pauline Martin, Max veut faire tout seul ! Nathan.
Max attend des invités, il veut tout préparer… Il aide papa à la cuisine puis maman au linge mais ça ne se passe pas comme il veut, il fait tout tomber, il n’arrive à rien. Papa s’excuse, il n’a pas permis à Max de faire les choses par lui-même, il prend le temps d’adapter l’environnement de Max pour qu’il puisse être autonome.
Une fois le goûter prêt, c’est deux enfants non blancs qui sont attablés avec lui.
Ruchi Mhasane & Rashmi Sirdeshpande, Les couleurs de Dadaji, Circonflexe.
Cet album sur le deuil a un contexte étranger situé, l’Inde.
Karine Daisay, Bonjour les enfants du monde, Saltimbanque.
Sur chaque double de cet imagier on retrouve un enfant du monde. Il y a une majorité de personnages enfantins non blancs (14), mais un seul personnage enfantin non blanc dans un pays occidental (Virgil aux Etats-Unis).
Frances Stickley & Lucy Fleming, Rêve en grand, Kimane.
4 personnages enfantins dont 3 non blancs rêvent d’être de nombreuses choses, toutes plus extraordinaires et merveilleuses les unes que les autres, sans distinction de genre.
Tom Percival, Milo est jaloux, Circonflexe.
Tom Percival a publié toute une série d’albums sur les émotions des enfants : Le souci de Julie (2019), Un garçon (extra)ordinaire (2019), Une colère de tigre (2020), Essaie encore, Lola ! (2021), Lina se fait des amis (2021) et maintenant Milo est jaloux.
Milo a un meilleur ami, Julien (le personnage non blanc), avec qui il partage tout, jusqu’à ce Julien se fasse un nouvelle amie…
On nous montre une amitié très forte entre deux garçons, une amitié fondée non pas uniquement sur des aventures partagées mais aussi sur des émotions partagées. Quant à la jalousie ressentie par Milo elle ne le pousse pas à la colère mais à la tristesse. Il s’isole, persuadé par le méchant monstre vert que son ami ne veut plus de lui. Par ailleurs, le genre de la nouvelle personne n’a pas d’incidence. Il s’avère que c’est une fille, mais il n’y a pas de sous-entendu amoureux, il m’a abandonné pour une fille je suis sûre qu’il en est amoureux, ou de dénigrement sexiste même déconstruit, il m’a abandonné pour une fille, c’est nul les filles elles jouent pas aux mêmes jeux, etc.
Cet album ne déconstruit pas de normes genrées, il n’en reproduit simplement pas et ne joue pas, non plus, le jeu de l’hétéronormativité. Il représente très simplement trois petits humains et leurs émotions.
Maijala, La Plante magique, Hélium.
Saule (personnage enfantin non blanc) trouve une plante un peu chétive qui ne ressemble à aucune autre. Ni Saule ni Brindille, son amie, ne sont capables de l’identifier. Une nuit, Saule se confie à sa plante et, le lendemain, la magie a opéré : une fleur a éclos.
On retrouve la plante dans le livre de botanique grâce à la fleur, il s’agit d’une plante magique :
La plante magique jamais, jamais ne grandit.
Très rarement, un petit bouton jaune éclot.
On raconte que pour la faire fleurir, il faut savoir l’aimer comme elle est.
Cette plante existe et porte le nom de Taikurinkukka en finnois (langue d’origine de l’album) ce qui se traduit par plante magique.
Bien que leur relation ne soit pas caractérisée de façon explicite, contrairement au message d’acceptation de soi de l’album, les deux personnages féminins sont très proches et très tactiles… Sans qu’on puisse décrire leur relation comme étant amoureuse et donc lesbienne, leur existence elle, isolée, entre filles, sans adultes et sans garçons, peut être décrite comme lesbienne selon la thèse d’Adrienne Rich de continuum lesbien.
Bailey Bezuidenhout, Coucou les arbres, bayard.
Dans Coucou les arbres une petite fille, non blanche, se pose beaucoup de questions sur les arbres. Notamment sur leurs noms vraiment étranges.
Je connais des arbres qui ont des noms comme … chêne, pin, saule. D’autres vraiment étranges comme bambou, baobab, sang de dragon, glycine, eucalyptus arc-en-ciel, et même arbrebouteille, Wacera et puzzle de singe.
De par ce qui paraît familier à l’enfant on comprend qu’elle se situe probablement en France.
Alison Farrel, La Randonnée, Cambourakis.
Dans La Randonnée, trois petites filles, dont deux non blanches, partent à l’aventure. A la fin de l’album on peut lire la note de la traductrice qui remercie les différentes structures qui l’ont accompagnée dans la traduction de noms de végétaux propres à une certaine région des Etats-Unis.
Buffy Sainte-Marie & Julie Flett, Toujours mon amour reste, la Pastèque.
Encore plus explicite, cet album inspiré d’une chanson de Buffy Sainte-Marie, autrice-compositrice crie, et illustré par Julie Flett illustratrice et autrice crie-métisse est géographiquement situé et culturellement marqué. On retrouve des bœufs musqués par exemple, propres à l'extrême nord canadien, mais aussi de nombreux éléments appartenant aux traditions et aux communautés autochtones.
Charlotte Pollet, Tout le monde a un teckel sauf moi, Biscoto.
Cette petite fille noire se désespère de ne pas avoir de teckel, au point d’en voir partout… jusqu’à ce que ses deux mamans lui amènent son propre chien.
Le fait que ça soit deux mamans est explicite mais c’est un non sujet, c’est simplement là. Les parents de l’enfant lui font la surprise de l’adoption d’un chien, et il s’avère que c’est deux mamans. Jusqu’ici, les seuls albums avec cette représentation, des familles homoparentales représentées de façon banalisée, étaient ceux publiés par la maison On ne compte pas pour du beurre.
Elsa Kedadouche & Claire Caillebotte, Ma maman m’a portée dans son cœur, On ne compte pas pour du beurre.
En parlant du loup, après Patatouille, c’est le tour de Ma Maman m’a portée dans son cœur de sortir chez On ne compte pas pour du beurre.
Cet album, dédié à toutes les mamans, est une adresse d’un enfant à sa maman qui l’a porté de bien des façons : dans ses rêves, dans sa tête, en écharpe, dans ses bras, sur ses genoux, sur son dos, sur ses épaules, à l’envers et dans son cœur.
Ce récit de maternité a été écrit par une maman qui a porté son enfant dans son cœur, et c’est un récit qui était (encore) absent. Il existait des albums pédagogiques sur l’homoparentalité où était déconstruit des propos homophobes, on y explique que oui, les deux mamans sont les vrais mamans, qu’il n’y a pas de “vraie” maman, de maman “biologique, de maman “qui a porté l’enfant (dans son ventre)”.
Dans cet album on nous dit qu’être une maman c’est porter son enfant à naître puis le soutenir pour toujours, sans même évoquer la grossesse. On ne dit pas, devenir mère, être mère, ne passe pas forcément par une grossesse. On nous montre simplement le lien d’une enfant à sa mère qui a été construit sans grossesse sans dire que ce serait exceptionnel ou singulier, sans déconstruire l’idée qu’il faudrait une grossesse pour être mère. C’est le récit d’une mère qui a porté son enfant dans son cœur, tout simplement.
Par ailleurs, les mères lesbiennes ne sont pas les seules mères à avoir porté leurs enfants dans leurs cœurs.
Il se passe quoi ?
La deuxième séance du séminaire “La Littérature à l’oblique” aura lieu le 31 mai avec Thérèse Courau sur la littérature lesbienne et les circulations sexo-dissidentes entre l’Europe et l’Amérique latine et Ariane Gibeau à propos de l'émergence d'une littérature lesbienne au Québec entre 1945 et 1965.
Le laboratoire InTRU propose une double séance de séminaire consacrée à la littérature jeunesse le mercredi 10 mai. Julie Fette nous parlera de migration dans les albums jeunesse, et Emilie Bettega de deuil et rites initiatiques dans la littérature de jeunesse africaine subsaharienne francophone. Et juste avant, le mercredi 3 mai, une séance consacrée à Iela Mari, designer italienne autrice de magnifiques albums pour enfants.
Le séminaire de l’association afreloce se clôture sur sa séance “Le Magasin des nouveautés” le 13 mai pendant laquelle les membres de l’association partageront leurs actualités de recherche.
D’autres séminaires touchent à leur fin, nous avons la troisième et dernière séance du séminaire “Sortir de la réserve” avec un atelier dialogique : “des méthodologies situées pour d'autres politiques des savoirs en contextes de dominance (en français)”. Ce sera le 9 mai par Vehia Wheeler et Anaïs Duong-Pedica.
Dernière séance avec Eric Fassin : "L’homme et l’artiste (et la femme ?) #Me Too et les politiques de la représentation", le 11 mai à l’ULB (Bruxelles).
Où m’écouter ?
Si vous êtes du côté de Nantes je suis invitée le 13 mai par le fonds documentaire Tissé Métisse pour leurs Instants "Tissé", une rencontre sur les lectures autour de la diversité dans la culture jeunesse littéraire !
Après je serai à Bruxelles ! Dimanche 28 mai, Mirion Malle, Joanna Lorho, Murielle Lo et moi sommes invité-es pour une table ronde “La représentation des personnes minorisées dans la BD” dans le cadre du Stach’fest Festival de micro-édition féministe 🔥
On lit quoi ?
Shed Publishing nous offre son quatrième titre : Traces et tensions en terrain colonial, Bruxelles et la colonisation belge du Congo, dirigé par Nicholas Lewis.


Ce n’est pas leur quatrième livre mais leur quatrième essai : Vers la normativité queer de Pierre Niedergang aux éditions blast🔥
La revue ZIST a consacré son dernier numéro aux afrofuturismes !
Sur Hypothèses le carnet Môments Animaux a publié deux nouveaux articles : “Une (re)visite au Zoo de Michel Butor, initiation à l’onirisme poétique” et “Un chien poète dans l’arbre qui pense”.
Sur le carnet
En mars dernier, on m'a accusée d'instrumentaliser la littérature jeunesse. Ce n'était pas la première fois et ça ne sera pas la dernière. Mais sait-on jamais que ma réponse puisse être utile à d'autres, la voici.
Après cette agréable rencontre j’ai eu une agréable lecture de l’ouvrage collectif “Et si lire c’était désobéir”.
Sur l’internet
Stella-Marie m’a accueillie dans son podcast : Un Lectorat Minoré. On a discuté du secteur de l’édition jeunesse, des formations éditoriales, de mon parcours et des lesbiennes❤️ N’hésitez pas à rattraper les anciens épisodes et à la suivre pour ne pas rater les prochains !