#3 Caféine et ateliers
J'ai ouvert un Ko-Fi !
C'est quoi ? Un moyen de me soutenir si vous le souhaitez !
Quand j'ai demandé si vous étiez intéressé-es par une newsletter, plusieurs personnes m'ont suggéré de la rendre payante. Mon but est de rendre le plus accessible possible tout ce que je produis. Il était donc hors de question pour moi de rendre quoi que ce soit payant.
Je suis rémunérée quand on me demande d'animer des rencontres, de dispenser des formations ou d'écrire des livres. Ici c'est moi qui ai choisi de rendre disponible ma veille et mes recherches en cours.
Cela veut aussi dire que quand je me retrouve à manquer de temps, c'est la première chose qui est mise de côté...
Si jamais ce que je rends disponible vous est utile, payer l'équivalent du café qui m'a été nécessaire pour l'écrire me montre qu'il y a un intérêt à ce que je l'écrive.
En librairie
Mark Janssen, Tout près de toi, kaleidoscope.
Une histoire touchante sur la perte d’un être cher qui nous emmène à la découverte du Népal et de ses coutumes.
Cet album sur le deuil tout en nuances de gris a un contexte non occidental : le Népal. C’est mentionné sur la quatrième de couverture et mis en avant tout au long du récit. Alors même qu’il s’agit d’un texte à la première personne, avec un personnage principal natif, plusieurs lieux sont explicitement nommés (Lac Pokhara, Temple des Singes). En quoi c’est choquant ? C’est l’équivalent d’un petit français qui vivrait son deuil en dessous de la Tour Eiffel. Cet album n’est pas universel, il est à destination d’un lectorat qui découvrirait le Népal, et il porte sur lui un regard très eurocentré.
Liisa Kallioo, nous, les Albums Casterman.
Seoha Lim, Un instant sur la Terre, la Partie.
Ces deux albums ont un propos universaliste (nous sommes tous les mêmes) avec une multitude de personnages, dont certains non blancs, pour l’illustrer. A noter qu’il y a aussi un personnage handicapé moteur et une petite fille voilée dans celui de Liisa Kallioo.
Jane Porter & Maisie Paradise Shearring, Le garçon qui aimait tout le monde, Cambourakis.
Après avoir publié Laura Nsafou et traduit Eva Rust, la collection Sorcières de Cambourakis traduit un nouvel album : Le garçon qui aimait tout le monde. On suit Dimitri, un petit garçon non blanc pas très neurotypique, qui arrive dans une nouvelle école maternelle. Dimitri il dit je t’aime à tout le monde : les enfants, les adultes, les arbres, les fourmis, le cochon d’Inde, les objets, tout et tout le monde. Mais il n’y a que sa maman qui lui répond je t’aime. Alors qu’il n’a pas envie d’aller à l’école, elle lui explique que les gens disent je t’aime de bien des manières. A la fin de l’album, tous ses camarades de classe veulent s’asseoir à côté de lui pour l’histoire.
Cet album est adorable mais il est aussi très intéressant. Plusieurs choses :
On voit Dimitri dans un contexte scolaire, mais aussi dans un contexte privé.
Il est non blanc, ses parents sont non blancs, sa maîtresse et plusieurs de ses camarades aussi (4 sur 9).
Ces personnages enfantins non blancs ont une diversité de coiffure ! On en parlait avec Dia de Diveka à propos de La Dormeuse : la coiffure afro est surreprésentée, très souvent de façon non réaliste, voire connotée négativement.
Bien qu’il soit marqué racialement sans être marqué culturellement le personnage de Dimitri est un petit garçon neuroatypique, sortant des normes genrées, sans que ça soit un sujet.
Caryl Hart & Rosalind Beardshaw, Les bonnes manières pour les petits dragons, Gallimard Jeunesse.
Dans ce nouvel opus le personnage principal est le petit dragon ! Les deux enfants (non blancs) font une petite apparition à la fin, mais l’album est centré sur le nouveau rôle de grand frère de dragon. On attend pleins de choses de lui, notamment qu’il aide ses parents et s’occupe du bébé… sans que ça soit le sujet. Cet album ne reproduit pas de rôles genrés, ni chez les adultes ni chez les petits (dragons).
Eduarda Lima, Planète verte ? La Joie de lire.
Une coupure de courant pousse une petite fille à se plonger dans une encyclopédie géographique et à (re)découvrir la beauté du monde qui l’entoure. La petite fille en question est non blanche, comme sa sœur et sa mère, sans que ça impacte le récit.
Points intéressants :
Contrairement à la majorité des albums avec des personnages enfantins non blancs dans un contexte occidental, le récit commence non pas dans un contexte scolaire mais dans l’intimité familiale.
Il s’agit d’une famille mixte (le père est blanc) et les deux sœurs ont des textures de cheveux différentes (comme c’est souvent le cas dans des familles mixtes).
Raphaële Frier & Marie Mignot, La poulette d’Eugénie, Sarbacane.
Alors je triche, il n’y a pas de personnages enfantins non blancs… mais il y a une Eugénie. Eugénie elle a un restaurant dans Marseille, rue d’Aubagne, quand une poulette débarque et devient sa poule de compagnie. Calanques, maillot de l’OM et Vieux-Port, il n’y a aucun doute sur le contexte de l’album. Les couleurs ne sont pas réalistes et ne cherchent pas à l’être : les personnages sont beiges, roses, jaunes et marrons. On comprend quand même que les couleurs beiges, roses et jaunes sont utilisées pour des personnages blancs, et que la même nuance de marron est utilisée pour tous les personnages non blancs (dont Eugénie). Au final, cette diversité de couleurs rend mal compte de la diversité des carnations.
Il s’est passé quoi ?
La Booktillaise a invité Nadia Chonville et Laura Nsafou pour discuter écriture et maternité. On peut retrouver l’enregistrement ici.
Il se passe quoi ?
Les séminaires de l’Afreloce et de l’association LPCM continuent !
Du 9 au 10 mars, le CNLJ, le Fonds patrimonial Heure joyeuse - médiathèque Françoise-Sagan et le laboratoire CELLAM-GRECES de l’Université Rennes 2, avec le soutien de l’Afreloce, organisent un colloque sur la photo, le livre, l’enfant.
Il se passe bien évidemment moults choses autour du 8 mars, mais je n’ai rien vu passer à propos de littérature jeunesse.
Où m’écouter ?
Dans la dernière newsletter je vous parlais de Patatouille, le dernier album jeunesse de Tiffany Cooper. Ce mois-ci j’aurai le plaisir d’animer une rencontre croisée entre Tiffany et Blanche Sabbah dans le cadre du Pop Women Festival.
Après Reims, je serai à Bruxelles pour une rencontre avec Lisette Lombé à l’occasion de son premier album jeunesse, Enfants poètes. Infos et réservations ici.
On lit quoi ?
Sortie poche du titre référence d’Arnaud Alessandrin : Sociologie des transidentités! Chez Cavalier Bleu vous pouvez aussi retrouver Transidentités et transitudes, se défaire des idées reçues de Karine Espineira et Maud-Yeuse Thomas.


Grâce à la mise en avant que fait hypothèses, j’ai découvert deux carnets consacrés à la littérature jeunesse : un tout nouveau, l’autre pas du tout. Akazukin est un carnet d’étudiant-es suivant un séminaire de littérature française du XVIIe à l’Université de Kyoto. Pour l’instant, iels ont publié plusieurs articles sur l’appropriation japonaise des contes de Perrault.
MINPHLIT, de son côté, ambitionne de faire découvrir et de faire exister la production photolittéraire pour enfants, d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs… Dans leur tout dernier article iels reviennent sur le Prix du livre photographique à la Bologna Children’s Books Fair 2023. Parmi les mentions spéciales, un seul a un contexte occidental — O adeus do marujo (The Sailor’s Goodbye) se déroule au Brésil et Cache-cache cauchemars est purement horrifique. Dans leur critique de Qui veut jouer avec moi? (Who Wants to Play with Me ?), le jury aborde la couleur de tous les éléments des photographies, sauf celles de la couleur de peau des enfants.
Toujours sur hypothèses, cet excellent billet d’Eduveille revient sur les Recherches sur, en, pour l’éducation. Ma thèse est une thèse de sociologie, qui a à la fois un objet (les albums jeunesse produits en France) et deux terrains (les maisons d’édition produisant ces albums et des groupes de classe travaillant avec ces albums). Bien qu’elle ne relève pas des sciences de l’éducation, j’ai pu trouver des billes dans ce billet, surtout concernant la « recherche-action » : sur, pour… et surtout avec ! On en parlait pendant le séminaire GRASS, mais le L (Lettres) de LSHS (Lettres, Sciences Humaines et Sociales) est peut-être la discipline qui se pense le moins.
Pour finir, Florie Maurin a publié quelques articles sur son carnet Fantasy jeunesse : recension des parutions de fantasy jeunesse de 2023, héroïsme au féminin et princesses affranchies dans Once Upon a Time, Bottero toujours, et la dénonciation d’une publication qui cite comme professeur des universités un ancien professeur des universités, condamné pour avoir poussé au suicide sa doctorante.
Sur l’internet
La poétesse Kiyémis a inauguré son émission “Rends la joie” avec l’autrice jeunesse Laura Nsafou ! On parle de joie, de poésie et de représentations !
Je ne sais pas si je dois remercier Estelle Faye pour ce partage, mais France Culture a essayé de parler des sensitivity readers (ou lecteurices sensibles).
Sur le même sujet, après l’annonce de modifications dans les prochaines impressions des textes de Roald Dahl, l’internet et les médias se sont enflammés. On parle de censure alors même qu’il s’agit d’une initiative des ayants droits sur des éléments assez peu importants — par exemple, les Oompa Loompas ne sont plus des small men mais des small people. A mon sens, ces changements sont absolument non pertinents, non pas parce qu’il faudrait protéger l’intégrité de l’œuvre à tout prix et résister face à la woke/cancel culture (qui n’existe pas), mais parce que ces maigres changements ne font pas grand chose à une œuvre qui a ses défauts. Il vaudrait mieux laisser ces romans tranquilles, et les donner à lire en prévenant de ce qu’ils sont. Comme Malik Diallo, président de l’ADBGV, nous le disait pendant les 3e Assises de l’édition jeunesse, il s’agit avant tout de proposer des appareils critiques, de la médiation, pour s’assurer que l’espace soit appropriable, sans s’appuyer seulement sur l’indignation. Par ailleurs, les modifications en littérature jeunesse ne sont pas rares. Alors même qu’on s’insurgeait d’une soi-disant cancel culture, la maison d’édition a choisi de renoncer à ces changements face à la pression médiatique.
Vous me l’avez demandé
Au mois de mars j’aurai l’occasion d’animer quatre ateliers : deux ateliers d’écriture à destination d’adolescent-es dans le cadre d’un projet mené par le Carreau du Temple en lien avec plusieurs lycées d'Ile-de-France, et deux ateliers de lecture pour enfants dans le cadre du mois de mars de la ville d’Aubervilliers.
Pendant ma mission en BCD (Bibliothèque Centre Documentaire), j’ai choisi de privilégier la lecture à voix haute. Puisque j’étais en école élémentaire, la majorité des élèves en étaient capables. On se plaçait en rond, chacun-e lisait autant qu’iel le voulait (voire pas du tout), puis nous discutions collectivement du livre lu. Après la lecture de Comme un million de papillons noirs par exemple, l’ensemble de la classe a exprimé son soutien envers le personnage d’Adé, victime de violences racistes dans l’album. Mais comment faire participer les enfants quand on se retrouve avec des classes d’âge très diversifiées ? J’ai choisi de proposer un atelier de lecture, pour toutes et tous, autonome.
Le principe ? Amener une mallette d’albums et laisser les enfants choisir et lire les albums de leurs choix. Iels peuvent demander aux adultes présents de leur lire l’album s’iels le souhaitent, ou iels peuvent lire de façon autonome. Pour ces ateliers, puisque c’est la demande, il n’y aura que des albums avec des personnages enfantins non blancs dans la mallette, et les voici :
Le mois de mars s’annonce aussi chargé que cette newsletter, j’espère vous retrouver à un événement ou sur les internets !